Les temps forts de la thématique "Portraits"
Focus Claire Simon
Depuis plus de trente ans, Claire Simon alterne documentaires et fictions d'abord pour la télévision puis pour le cinéma. Des portraits de personnes ordinaires filmées comme des personnages de roman. Des histoires ordinaires filmées comme des comédies ou des tragédies. Nous présenterons 4 de ses films pendant le festival. Dont son dernier film, Notre corps, une fresque puissante sur le corps des femmes. L'occasion de la convier à relire, avec elle, ce riche parcours cinématographique au cours d'une master class.
Claire Simon
La femme à la caméra
La caméra comme le pinceau d’un peintre. La super 8 pour filmer son père (Une journée de vacances, 1983), la vidéo pour filmer le médecin de famille (Les Patients, 1989), le 35mm pour filmer l’actrice Miou-Miou (Scènes de ménages, 1991)… Dans ses premiers films, Claire Simon a cherché l’instrument idéal. Celui qui conviendra à sa main, à son regard, à l’Autre… à son film, documentaire comme fiction. Dans ses documentaires suivants, ayant « fait la caméra à sa main », on retrouve cette même apparence d’un cinéma léger, direct, et en même temps la force d’un film de cinéma, qui se déroule comme un conte philosophique (Récréations, 1991), une histoire à suspense (Coûte que coûte, 1995), une romance (800km de différence, 2001), une immense scène de théâtre (le Bois dont les rêves sont faits 2015) ... Ses fictions s’imprégnant, elles, d’une vraie force documentaire : Ca brûle, (2006), Les bureaux de dieu (2008), jusqu’au très beau Vous ne désirez que moi (2020).
Ethnologue de formation, initiée au cinéma via le montage, il est peu dire que Claire Simon aime brouiller les notions de documentaire et de fiction. "Dans mes documentaires, la fiction est la référence, dit-elle. J'essaie de filmer des gens qui étaient, sont travaillés par la mythologie de la fiction. La banalité contient de la fiction, mon travail est de la débusquer." La plupart de ses films se déroulent ainsi selon une histoire, un scénario in progress que la réalité est seule à inventer. Tout en travaillant en chemin des questions de cinéma. Ainsi du dernier opus de Claire Simon, Notre corps. Démarré comme un documentaire à la Wiseman dans un hôpital parisien, caméra discrète et oreille tendue, le film fera bientôt, avec l’irruption du corps même de la cinéaste à l’image, quasiment œuvre de fiction. C’est qu’elle est allée jusqu’au bout du film, de la logique artistique du film, accordant encore une fois la musicalité cinématographique avec sa respiration propre.
Annick Peigné-Giuly
Projections à Ajaccio des films de Claire Simon
- Récréations aux Ateliers scolaires du 9 et 10 octobre à l'Ellipse cinéma
- Coûte que coûte et 800 km de différence le samedi 14 octobre à 16h00 et 18h00 à l'Ellipse Cinéma en présence de la réalisatrice.
- Notre corps le dimanche 15 octobre à 9h30 à l'Ellipse cinéma, en présence de la réalisatrice.
Master class de Claire Simon:
Le dimanche 15 octobre à 14h30 dans la grande gallerie du Palais Fesch.
Master class animée par Annick Peigné-Giuly.
Portraits croisés
Dans le cadre de la thématique « Portraits », le critique et écrivain Hervé Gauville se pliera au jeu des correspondances entre portraits peints et portraits filmés lors d’une déambulation en six tableaux dans le décor idéal du Palais Fesch.
Portraits filmés / Portraits peints
En peinture, le portrait est un genre que l’Académie plaçait au-dessous de la peinture d’Histoire et au-dessus du paysage et de la nature morte. En tant que tel il existe au moins depuis l’Égypte antique et on a coutume de considérer qu’il prend son plein essor à l’époque de la Renaissance lorsque le sujet s’introduit comme motif central. Au cinéma, le portrait ne ressortit à aucune taxinomie particulière. Tout juste se décline-t-il sous forme de biopic ou biographie filmée dès lors qu’il narre la vie d’un individu célèbre, de préférence mort.
Tenter d’établir des correspondances entre portraits peints et portraits filmés relève a priori de la gageure. Plutôt que d’éléments de comparaison, la recherche de correspondances, d’échos, de résonances permettra une approche plus significative. Ainsi la déclinaison du portrait en ses variations peut-elle mettre en relation le portrait de famille dressé à la fois dans de nombreux films, documentaires ou de fiction, et dans les innombrables « Sainte Famille » présentes dans l’art, italien ou hollandais, notamment. Ou bien le portrait d’un ou d’une inconnu€, ou encore le portrait d’une vie, le portrait d’artistes (peintre, cinéaste ou musicien), par exemple. Les portraits d’archives offerts par le cinéma ont à voir avec les portraits légendaires ou mythologiques dont regorge l’histoire de l’art.
Insistons sur le fait qu’il ne s’agit pas d’études comparées, mais de se demander comment chacun – peintre et cinéaste – s’y prend pour résoudre, avec ses moyens propres, des questions soulevées par les diverses facettes du portrait. Au bout du compte, c’est aussi manière d’interroger l’autoportrait à travers ces face à face entre l’artiste et son modèle ou son motif.
Hervé Gauville
Une déambulation de portrait en portrait en 6 stations au Palais Fesch
Portrait d'un(e) inconnu(e)
Le mystère Koumiko de Chris Marker, La visita y un jardin secreto de Irene M. Borrego - L'Homme au gant, Titien (Pieve di Cadore, vers 1488-Venise, 1576).
2° étage, salle des peintures vénitiennes
Portrait d'une vie
Diane Wellington d'Arnaud des Pallières - Les Âges de la vie, Jacopo da Empoli (Florence, 1551-1640).
2° étage, salle des peintures florentines
Portrait d'enfant
Beppie de Johan van der Keuken - Intérieur de cuisine avec jeune homme, Astolfo Petrazzi (Sienne, 1580-1653).
2° étage, salle des peintures bolonaises
Portrait de victime avec bourreau
Mon pire ennemi, Mehran Tamadon - Martyre de saint Pierre, Luca Giordano (Naples, 1632-1705).
2° étage, salle des peintures caravagesques 2
Portrait de famille
Uncle Yanko d'Agnès Varda - La Sainte Famille avec le petit saint Jean, Pierre de Cortone (Cortone, 1596-Rome, 1669).
1er étage, peinture romaine du XVIIe siècle 2
Portrait de l'artiste au travail
6 Bagatelles de Pedro Costa - Portrait d'un jeune sculpteur, Antonio Amorosi (Comunanza, 1660-Rome, 1738).
1er étage, des peintres à Rome au XVIIIe siècle
Le samedi 14 octobre à 14h30
Palais
Fesch.
Les films évènements
Orlando, mon autobiographie politique
de Paul B. Preciado, (98', 2023, Fr)
Don't look back
de D.A. Pennebaker (96', 1968, USA)
Muhammad Ali, the greatest
de William Klein (110', 1964, Fr)
Mon pire ennemi
de Mehran Tamadon (80', 2023, Fr/Suis)
Extreme private Eros: love song 1974
de Kazuo Hara (1974)
Apolonia, Apolonia
de Léa Glob (116', 2023, Dan/Pol/Fr)
Seul Godard
de Vincent Sorrel et Arnaud Lambert (88', 2023, Fr)
Colomba
d'Ange Casta (83', 1967, Fr)
L'homme sans nom
de Wang Bing (97', 2009, Chine/Fr)
Man in black
de Wang Bing (60', 2023, Chine/USA/Fr)
Belorusskaya
de Pascal Tagnati (56', 2023, Fr/Russie))
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.