FESTIVAL DES CINEMAS DU MAGHREB D'AJACCIO
DU 12 AU 15 MAI 2018
l'Espace Diamant
Le 15 mai à 18h 30
Atlal de Djamel Kerkar (111', 2018)
"Pour ce premier film, Djamel Kerkar part du douloureux, ce qui a meurtri l'Algérie dans les années 1990, la décennie noire. À l'écran, de fragiles images VHS, brouillées, enregistrées en 1998, scrutant par le détail mais comme sidérées, un champ de ruines battu par le vent : amas indistincts de béton envahis d'herbes folles, ferailles saillantes, enchevêtrées. On est à Ouled Allal, bourgade qui fut le théâtre à l'automne 1997 d'une opération militaire de sinistre mémoire qui l'a alors éradiquée.
Puis Ouled Allal, aujourd'hui. Le silence, toujours, mais les herbes folles, plus drues, plus denses y côtoient de nouveaux bâtiments tout juste sortis de terre ou en chantier, sihouettes fantômatiques. Un paysage où prennent corps, un à un, des visages et des récits d'hommes. Des paroles longuement déployées qui esquissent des Histoires différentes, affaire de générations.
Depuis cette modeste terre se dessine, d'un temps à l'autre, tout un monde hanté par la guerre, entravé, pris entre la mémoire figée des combats d'avant-hier et celle impossible, confisquée, des disparus et des massacres restés impunis.
Se souvenir ? Partir ? Un monde dont l'Histoire reste encore à écrire et dont les révoltes, les désirs et les rêves ne trouveraient de place qu'en chanson ou dans ces trois lettres inscrites sur un mur, MCA, le mythique club d'Alger. Et où se laissent deviner les ruines, moins visibles celles-ci, d'une société tout entière, ses non-dits, ses défaites et les frustrations de la jeunesse aujourd'hui. Les ruines du titre : Atlal." (Nicolas Feodoroff)
Séance accompagnée par le cinéaste Djamel Kerkar
Cette première édition permettra de découvrir ou redécouvrir une douzaine de films, de fiction et documentaires, ayant un rapport étroit avec la musique. Un focus particulier sera donné sur la vie des groupes en tournée ou en studio. Autour des 2 groupes mythiques, les «Beatles» avec une version restaurée de «Hard Day’s Night» et les «Stones» sous les caméras de Martin Scorsese, place sera faite aux groupes et artistes français avec «Percujam», «Poni Hoax» et «Henry Padovani» qui viendra dérouler sa voix suave et bluesy pour une immersion aux racines de la musique rock après la projection de «Rock’n Roll of Corse».
La Comédie Musicale sera présente avec le classique de Jacques Demy et une avant-première de «Ammore e Malavita» comédie napolitaine primée au festival de Venise.
Outre la programmation de deux des meilleurs films musicaux de ces dernière années «Sing Street» et «Whiplash», cet événement proposera également des concerts de «Carmin Belgodère» avec un voyage musical au cœur des sonorités corses et méditerranéennes, du Jazz manouche avec le duo Arnaud Giacomoni et Fanon Torracinta et «The G» les 2 frangins de Calenzana qui remettent la Corse sur la carte du Rock.
Corsica.Doc est partenaire de Cinemusica et présentera deux longs métrages documentaires: Rock'n roll of Corse! ainsi que Tropical suite.
Samedi 21 avril cinéma Fogata à 15h
Tropical suite de Agnès Dherbeys (52', 2016)
Après dix ans de collaboration, Poni Hoax part enregistrer un quatrième album décisif sous les tropiques : Cape Town (Afrique du Sud), Sao Paulo (Brésil) et Bangkok (Thaïlande). Ce film "embedded" raconte ce voyage au coeur de la création. Bien plus qu’un making-of, ce documentaire révèle la quête musicale et intime d’un des meilleurs groupes de rock français.
Dimanche 22 avril à 17h30
Rock'n roll of Corse! (111', 2016) de Lionel Guedj et Stéphane Bébert
Le destin d’Henry Padovani, un jeune corse de 24 ans débarqué à Londres en décembre 1976, acteur et témoin d'une période où naissait un nouveau courant alternatif et révolutionnaire : le mouvement punk.
Musicien et guitariste, il a traversé les années 80 comme une météorite tombée de nulle part, du groupe « The Police » qu’il fonde avec Stewart Copeland en janvier 1977 jusqu’à leurs retrouvailles sur scène 30 ans plus tard devant 80 000 personnes au Stade de France, des Clash aux Sex Pistols, des Who aux Pretenders, de REM qu’il signe à Zucchero qu’il manage. Avec tous, Henry a partagé un peu de leur musique et beaucoup de leur vie !
En présence d'Henry Padovani
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.