Dès la naissance du cinéma, les opérateurs Lumière se sont lancés à travers le monde pour filmer l'ailleurs.C'est autour de ce "Voir ailleurs" que circule le programme de la 6ème édition de Corsica.Doc. Une invitation au voyage sur les traces de ces cinéastes curieux de l'Autre et en quête d'un dépaysement, d'un étonnement. Voir là-bas si j'y suis...
Le cinéma et la danse moderne sont nés dans le même berceau. Le critique Hervé Gauville invite Charlie Chaplin, Rita Hayworth et quelques autres pour en retracer l'histoire. Merce Cunningham & Co de Benoît Jacquot (1982, 40', Etats-Unis/Fr.). Merce Cunningham a une façon très singulière de travailler, en introduisant un élément perturbateur dans la danse : le hasard. Avec le musicien John Cage, ils préparent chorégraphie et composition musicale. Ce film nous permet d’assister à une séance de travail, dans un studio new-yorkais.
Deux ateliers pour 2 cas de production. L'un, télévisuel, l'autre cinématographique et européen. L'Eté de Giacomo de Alessandro Comodin (2012, 78', ital. Fr. Be.). Un jour d'été dans le Frioul, Giacomo et Stefania vont au fleuve. Dans les bois, ils se perdent et se trouvent. Giacomo est sourd, à l'automne il se fera opérer. Comodin filme l'été, l’adolescence, le passage de la surdité à l’audition...Un cas de production européenne "cinéma" analysé en présence de Anne-Marie Luccioni,(Eurodoc) et l'un des producteurs La Gueule de l'emploi de Didier Cros (2011, 84', Fr.). L’entretien d’embauche est une épreuve dont on ne sort jamais indemne, à la fois évaluation de compétences et entreprise de déstabilisation. Didier Cros a filmé une séance de recrutement à GAN prévoyance. Un film qui a déclenché un buzz sur la toile et dans l'entreprise. Un cas de production télévisée en présence de Fabrice Puchault (France 2), de la productrice Félicie Robin et du réalisateur.
Un film, un des protagonistes du film. C'est le dispositif simple de cet atelier censé amener les jeunes scolaires à saisir la fabrication d'un film et sa lecture. Récréations de Claire Simon (1993, 54', Fr). Il existe une sorte de pays, si petit qu'il ressemble un peu à une scène de théâtre. Ce pays s'appelle "la Cour" et son peuple "les Enfants". Tout une tragi-comédie humaine, éclatée en saynètes initiatiques... On appelle cela, la récréation. Présenté par Manon Garcia, une des actrices du film et fille de la réalisatrice
Ce grand cinéaste, disparu il y a quelques mois, est une sorte de parrain discret de notre festival. Alors,pour lui, la moindre des choses: trois films parmi ses plus singuliers, trois chefs d'oeuvres.
L'Ambassade de Chris Marker (1973, 20', Fr.). En ce temps-là, il arrivait qu’en cas de coup d’Etat, des opposants politiques se réfugient dans les ambassades.
La Jetée (1962, 28', Fr.). Ceci est l'histoire d'un homme marqué par une image d'enfance. La scène eut lieu sur la grande jetée d'Orly, quelques années avant la début de la Troisième Guerre Mondiale. Jamais cet enfant, devenu adulte, n'oublia le visage de la jeune femme et la chute de l'homme dans le vide, au bout de la jetée.
Sans soleil (1984, 100', Fr/Japon). Parti sur les traces d’un ami au Japon, Chris Marker s’abandonne à une méditation politique et poétique sur la mémoire. Scènes de rue à Tokyo, visages de femmes sur des marchés africains, explosion des jeux vidéo… Un collage étrange, d’une beauté simple et hypnotique.
Du Biafra à Nevers, de la ferme du Garet à Prague, une vie d’aventures en images qui s'inscrit dans la longue lignée des cinéastes voyageurs.
Les Années déclic (1983, 65',Fr.). Un dispositif original qui juxtapose la voix, le visage de Raymond Depardon et ses images, donne à voir le portrait autobiographique d'un fils de cultivateur devenu photographe.
L'oeil fixé sur ses souvenirs, il nous raconte vingt ans de sa vie.
Délits flagrants (1994, 105',Fr). Avec un dispositif très simple (une suite d'entretiens,toujours le même plan (le juge, le prévenu), Depardon filme
une série de portraits de ces personnes passant au tribunal des flagrants délits, et dévoile la réalité du monde judiciaire.
Ian Palach (1969, 12', Tchécoslovaquie). Le 16 janvier 1969, Jan Palach s’immole par le feu à Prague pour protester contre l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968… Raymond Depardon réalise un premier courtmétrage saisissant: toute une ville muette de colère.
Journal de France de Claudine Nougaret et Raymond Depardon (2012, 100', Fr). Cosigné avec sa compagne et preneuse de son, le film conjugue le montage d’archives accumulées au fil du temps et les pérégrinations de Depardon au volant de sa camionnette pour dresser le portrait d’une France des sous-préfectures. Le manifeste d'un étonnant voyageur.
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.