C'est par la projection du film d'Edward S. Curtis, In the land of the head hunters 1914 que s'est ouvert le festival. Une ouverture au symbole fort, qui nous a fait découvrir le film de ce grand photographe-cinéaste qui a œuvré dès la fin du XIXIème siècle à la réhabilitation de l'image des Indiens décimés par l'armée américaine. Un film en partie retrouvé, restauré et sorti fin novembre en salles.
AMERICA! Dans les années 50, en même temps que la "Nouvelle Vague" française, surgit aux Etats-Unis un "Nouveau cinéma" qui se caractérise lui aussi par la jeunesse insolente de ses réalisateurs, par la légèreté de ses moyens techniques et financiers, par son goût pour le réel et le rejet d'un cinéma de studio. Un mouvement qui traverse tout naturellement le cinéma documentaire mais aussi le cinéma de fiction.
C'est en tirant le fil de ce mouvement artistique et politique virulent que nous sommes remontés aux origines d'un cinéma indépendant américain, jusqu'aux derniers films documentaires aspirant à cette même ébouriffante liberté de styles.
Depuis 1914 et le film de Edward S. Curtis In the land of the head hunters jusqu'à Let us persevere in what we have resolved before we forget de Ben Russell (2013) en passant par plus d'une vingtaine de films dont At Berkeley de Frederick Wiseman, Route one USA de Robert Kramer ou Gimme Shelter des frères Maysles, nous avons cotoyé pendant quatre jours quelques uns des grands maîtres du documentaire et du cinéma du réel américains.
La carte blanche 2013 est allée au festival marocain FIDADOC qui a fêté sa cinquième édition cette même année. L'occasion de montrer les derniers films de jeunes réalisateurs du Maghreb et du Proche-Orient. Deux séances de films: La femme à la caméra de Karima Zoubir & A world not ours de Mahdi Fleifes.
Documentaires marocains choisis et présentés par notre invité, Hicham Falah, délégué général du FIDADOC.
A l'occasion des dix ans de Corsica Pôle Tournage, nous avons proposé un focus sur cette structure de la Collectivité territoriale de Corse dont la mission est l'aide aux tournages sur le territoire insulaire. Et ce, par la programmation d'un film de la production corse On l'appelle Aurore de Marie Jeanne Tomasi, 1995 qui fut suivie d'une table ronde animée par Yolaine Lacolonge, responsable de Corsica Pôle Tournage.
Cette année, ce sont près de 200 inscriptions de premiers films qui nous sont parvenues. Dont une nouvelle vague de films venus du monde entier. Nous en avons sélectionné 13, tous formats confondus, qui ont concouru pour la compétition "Premier film". Trois jurys récompensent les jeunes réalisateurs parmi les candidats sélectionnés: le jury professionnel Corsica.Doc/Via Stella, le jury "jeune public", le jury du public d'Ajaccio.
Comme chaque année, un atelier scolaire a proposé aux élèves ajacciens une rencontre autour d'un film, rencontre animée par des professionnels du cinéma. Sur ce même principe, fut présenté cette année le film culte de Morris Engel, Le Petit Fugitif, tourné en 1959 à New-York. Trois ateliers ont eu lieu au cours du festival, animés par Jeanne Gaggini et Mélanie Pavy.
Au cours du festival, une conférence-débat a porté sur le "nouveau cinéma américain" des années d'après guerre, mis en regard avec la "Nouvelle Vague" française de l'époque.
Avec Federico Rossin (critique, historien de cinéma), en présence de André S. Labarthe (réalisateur, producteur de la série "Cinéastes, de notre temps").
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.