Effet du bel éclectisme de la programmation, qui balayait ces marges qui vont des mouvements de révolte de pays arabes aux artistes et marginaux de tout le temps ?
Cette cinquième édition a vu une augmentation de 20% du public par rapport à l'an dernier. Mais aussi, et c'est important, un visible rajeunissement de ce public. Emmené par l'afflux des classes des lycéens à l'atelier scolaire, des étudiants venus de Corte, des stagiaires de la CCAS, un nouveau public jeune a suivi la soixantaine de film programmés sur les six jours du festival.
Deux salles de cinéma pour notre festival cette année, l'Espace Diamant et la Palais des Congrès. Ceci afin de permettre au spectateur de se concocter son propre parcours dans le paysage cinématographique offert. Une autre nouveauté cette année, la tenue quotidienne d'un " Forum critique" animé par Patrick Leboutte ( enseignant de cinéma de Bruxelles , L' INSAS).
Le film d'ouverture "Ceci n'est pas un film" du cinéaste Iranien condamné dans son pays, emblématique de notre thématique, fut présenté par le réalisateur Iranien Hormuz Kéy.
Ce sont ces marges vivaces filmées par le cinéastes qui ont éclairé notre festival 2011
Les 24 autres films programmés étaient tous empreints de cette beauté et de cette résistance tapies dans les replis de la réalité
Parmi eux, deux films du cinéastes italien Stefano Savona " Tahrir et Palazzo delle Aquile ", d'Arnaud des Pallires " Diane Wellington et Disneyland mon vieux pays natal", d'André S. Labarthe " Nanni Moretti et John Cassevete " et du cinéaste portugais de Predro Costa " Où git le sourire enfoui?".
Trois avant-premières : Territoire perdu de Pierre-Yves Vandewerd. Un ange à Doel de Tim Fassaert, L'hypothèse de Mokélé Mbembé de Marie Voignier.
Des films cultes : Taranta de Gianfranco Mingussi, La maison est noire de Fourough Farrokhzad, D.O.A de Lech Kowalski, Les Idoles de Marc'O.
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.