ATELIER SCOLAIRE CORSICA.DOC 2018
L’atelier scolaire accompagnant la 12èmeédition du festival CORSICA.DOC se déroulera sur deux séances,
les lundi 22 et mardi 23 octobre de 9h30 à 11h30 àl’Ellipse cinéma.
Au programme de chacune des séances:
9h30: Présentation du film par Mélanie Pavy, cinéaste et chercheuse en cinéma.
-10h00: Projection du film L’île aux fleurs de Jorge Furtado
(1989, Brésil, 15’)
Ce court métrage de 1989 - Ours d’argent au festival de Berlin - suit la commercialisation d’une tomate depuis une plantation du le Sud brésilien. Le documentaire se focalise sur le devenir de cette tomate rejetée par une mère de famille préparant le repas pour sa famille. Cette tomate est alors destinée à la décharge à ciel ouvert de Porto Alegre : « l’île aux fleurs ».
Les 500 tonnes de déchets par jour y sont triés entre déchets organiques jugés consommables pour les porcs et déchets non organiques qui ont vocation à se décomposer à l’air libre.
Cependant, comme le souligne le commentaire : « ce qui a été considéré inadéquat à l’alimentation des porcs sera utilisé à l’alimentation de femmes et d’enfants » ... de pauvres gensqui vivent de cette collecte de déchets.
Par ce raccourci ironique, le réalisateur nous rappelle que l’idéal de liberté prôné par le monde capitaliste contemporain oscille finalement entre recherche de lucre et production de déchets dont la gestion est confiée aux plus pauvres d’entre nous.
10h30 : Analyse du film proposée par Mélanie Pavy :
Le documentaire étant court, l’échange avec les élèves s’attachera à déplier la mécanique de ce film très dense, en revenant précisément sur certaines séquences. Il s’articulera autour des questions soulevées tant par le sujet du film que par sa forme: les inégalités socio-économiques entre les êtres humains, la question des déchets, les modalités du discours (description objective, causalité scientifique, rationalisme, ironie…), la notion de liberté.
L’analyse de ce film sera également l’occasiond’acquérir des clés de lecture critique vis à vis de la fabrication des récits et des images qui racontent notre monde.
Participation aux frais : 2€ par élève.
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.