Trois débats cette année au cours de notre festival. Un débat "Musique et cinéma?" suscité par notre programmation. Une question qui nous fut posée tout au long de la sélection et que nous poserons à des "experts" de la question, compositeur, critique, producteur... Un débat sur la distribution du cinéma documentaire en salles. Question cruciale pour un cinéma qui se retrouve de plus en plus exposé aux côtés des films de fiction dans un paysage surchargé de sorties chaque semaine. Un débat "Tënk, une plateforme documentaire pour la Corse". Le directeur de ce nouveau dispositif de diffusion de films documentaires par Vod viendra exposer ses propositions pour un accès facilité à cette plateforme pour les lycéens et étudiants corses.
La diffusion des documentaires en salle, avenir ou déclin ? Depuis quelques années les films documentaires sortent en nombre en salles de cinéma alors même qu’ils ont une place moindre à la télévision. Cela correspond à l’émergence d’un nouveau cinéma documentaire, aux formes originales peu compatibles avec les formats télévisuels. Mais la plupart du temps cette « sortie salle » se limite à une semaine ou deux dans quelques salles à Paris et encore moins en région…
Alors avenir ou déclin ?
Rencontre animée par
Arnaud Dommerc
Producteur Andolfi
Avec > Mika Gianotti, membre de l’ACID, Association du cinéma indépendant pour sa diffusion
Sous ce mot de Tënk -qui signifie « résume ta pensée » en wolof sénégalais- se cache une plate-forme dédiée au cinéma documentaire qui a été lancée en juillet dernier.
Une plate-forme de films récents et du patrimoine documentaire dédiée à tous les publics, mais tout particulièrement aux lycéens et étudiants. Outil de découverte du cinéma, mais aussi outil de
formation,
d’éducation à l’image, de coproduction à vocation régionale… C’est ce nouvel outil que nous présentera l’un des fondateurs de Tënk.
Rencontre animée par
Annick Peigné-Giuly
Avec > Pierre Mathéus Directeur général de Tënk,
> Josepha Giacometti Conseillère exécutive de Corse, déléguée à la culture, au patrimoine, à l’éducation, à la formation
> Yolaine Lacolonge Chef de service du cinéma et de l’audiovisuel de la Collectivité Territoriale de Corse
Un moment de réflexion, d’échanges sur ce qui passe de la musique au cinéma, sur ce qui est passé à travers les films vus. La programmation de ce CORSICA.DOC s’est voulue éclectique, pas seulement par le choix des musiques et des cinéastes, mais aussi par les approches artistiques. Il y a de grands écarts passionnants entre le film des Straub sur Bach, le Pennebaker sur Hendrix, le Godard sur les Stones, le Painlevé sur les étoiles de mer, le Rouch sur les tambours du Niger… On en parle.
Rencontre animée par
Annick Peigné-Giuly
Avec > Gilles Grand, compositeur, programmateur au FID de Marseille
> Hervé Gauville, critique, écrivain
> Tristan Francoz, producteur radio
Depuis la nuit des temps, de la berceuse aux chants funèbres, des balades d’amour aux chants de travail, des chants militaires aux chants révolutionnaires, la musique accompagne et symbolise la vie des hommes.
La diversité de ses formes et de ses codes montre qu’elle n’a aucune vocation à l’universalité, mais au contraire à signifier des époques, des territoires, des gens. Ainsi la musique, dans sa singularité, rassemble les différences.
A sa naissance, le cinéma, lui, est muet. Très vite la projection de films est accompagnée par un piano ou un orchestre. Avec l’évolution des moyens techniques, la musique devient la bande-son du film à part entière, avant l’invention du son-synchrone. Cinéma et musique sont liés.
Dans ces rapports étroits, « filmer la musique » soulève une autre dimension: où il s’agit pour un cinéaste de réfléchir son propre lien à la musique, à travers les musiciens ou les évènements musicaux, au fond de mettre en perspective les processus de création. Cela donne autant d’objets musicaux filmés, que de continents, d’époques, de genres et d’artistes.
Ainsi la couleur Rock’ de cette Xème édition porte la marque d’une période récente et d’une liberté qui semble pourtant déjà lointaine. Le son d’une génération est inscrit dans ces films musicaux où dansent les foules, où s’exaltent les espoirs et les révoltes d’une jeunesse qui a essaimé jusqu’à nous.
Michèle Casalta
Quatre films, en 1967… Il y a pratiquement un demi-siècle, en 1967, quatre films venus des quatre coins d'Europe et d'Amérique allaient marquer l'histoire des relations entre musique et cinéma. Chacun d'entre eux faisait un usage personnel et original de la musique, de telle sorte qu'ils ouvrirent de nouvelles voies au récit des noces entre image et son. Chronique d'Anna Magdalena Bach, de Jean-Marie Straub & Danièle Huillet, filmait pour la première fois, non la vie d'un musicien renommé, mais sa musique qui ne venait plus illustrer des images mais était traitée comme une matière sonore en travail.
Elvira Madigan, de Bo Widerberg, s'en prenait à un autre monstre sacré du classique en plaquant les accords d'un andante pour piano et orchestre de W.A. Mozart sur l'histoire d'amour d'une danseuse danoise du XIXe siècle. Grâce au film, l'œuvre passera à la postérité sous le nom de concerto Elvira Madigan.
Monterey Pop, de D.A. Pennebaker & Richard Leacock, inaugurait la déferlante des films-reportages sur les grands rassemblements pop qui va culminer trois ans plus tard avec Woodstock.
Blow up, de Michelangelo Antonioni, au beau milieu des sixties du swinging London, télescopait le jazz d'Herbie Hancock avec le rock des Yardbirds en concert live.
Ces quatre expériences, qui étaient aussi des expérimentations, connurent un plein succès, tant auprès du public mélomane que de celui des cinéphiles. À partir de là, musique et cinéma allaient connaître quantité d'autres motifs de rencontres.
Hervé Gauville
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.