Le palmarès de la compétition Nouveaux Talents du Festival Corsica.Doc a été annoncé au cours de la soirée de cloture du festival, dimanche 17 novembre à Ajaccio. Le jury Corsica.doc/via Stella était présidé par Françoise Etchegaray, productrice et réalisatrice.
Le film de Véronique Buresi et Marie-José Costa,"Chez Michel" a remporté le Prix Corsica.doc/Via Stella ainsi que le prix "Nouveaux Talents".
Le film de Nguyen Long Vi, "Cultiver son Jardin" a remporté le Prix Corsica.doc/ via Stella ainsi que le prix Jeune public.
France, 45'
A Ajaccio, non loin du port, au coin d’une rue d’un quartier populaire ignoré des touristes, il y a un bar. Un bar sans enseigne, c’est le bar de Michel.
France, 13'
Un jour d'automne, une Vietnamienne vient jardiner sur la tombe de ses parents. Sa fille la regarde prendre soin du caveau. Elles discutent de la vie, de la mort.
Le jury est composé de cinq membres, tous professionnels du cinéma et de l'audiovisuel. Ils remettent le prix CORSICA.DOC/VIA STELLA ainsi qu'un prix du court métrage.
Présidente: Françoise Etchegaray. Membres du jury: Arnaud Dommerc, Anne Paschetta, Sampiero Sanguinetti, Paul Filippi.
Cinéaste et productrice, Françoise Etchegaray a réalisé plusieurs films dont deux films documentaires (Philippe Garrel, portrait d'un artiste en 1992 et La dernière odyssée de la Jeanne en 2012. Fidèle assistante d'Eric Rohmer, elle fut sa directrice de production dès 1986 avec Le Rayon Vert, puis a produit tous ses films depuis L'Arbre, le maire et la médiathèque (1992) jusquà Les Amours d'Astrée et de Céladon (2007). Elle travaille actuellement sur le dernier film d'Alexandre Sokourov, Francooonia, le Louvre sous l'occupation. Un essai documentaire du grand maître russe du cinéma.
Premier assistant réalisateur sur de nombreux films, Arnaud Dommerc a travaillé notamment avec Robert Guédiguian, Arnaud et Jean-Marie Larrieu ou Jean-Marie Straub, avant de se consacrer à la société de production qu'il a créée en 2001, andolfi. Il a produit Honk de Arnaud Gaillard et Florent Vassault, le premier long métrage de Dyana Gaye Des Etoiles qui sort en janvier, le prochain film des frères Larrieu 21 Nuits avec Pattie, celui de Claire Simon Place aux jeunes et, depuis 2011, tous les films de Jean-Marie Straub. Il a également réalisé deux films L'innocence radicale des fleurs et Le Cochon.
Après avoir enseigné le français en Italie et en Inde , elle travaille comme dramaturge pour différents metteurs en scène. Elle s’initie à l’écriture documentaire à l’INA et en travaillant comme co-auteur avec Namir Abdel Messeeh La vierge, les coptes et moi. Depuis, elle accompagne de nombreux réalisateurs, parmi lesquels Jorge Léon ou Mariana Otero pour son dernier films À ciel ouvert et Jean-Gabriel Périot Une jeunesse allemande. Elle a enseigné l’écriture documentaire à l’Université de Poitiers pendant deux ans. Elle accompagne l’écriture de projets documentaires à Vidéadoc depuis 2010.
Journaliste, écrivain. Ancien rédacteur en chef de France 3 Corse puis du magazine télévisé Mediterraneo, ancien directeur d'antenne de France 3 Provence Alpes Cote d'Azur puis de Corse. Concepteur et initiateur de la chaine de télévision Via Stella. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la Corse Corse, le syndrome de Pénélope, La violence en Corse et sur son expérience de journaliste Les jours d'un témoin.
Né à Ajaccio en 1966, Paul Filippi intègre en 1993 l'équipe du magazine en langue corse "Da Quì" puis "Ghjenti" dont il assure la responsabilité éditoriale de 2002 à 2011. Il réalise plusieurs documentaires. Parmi ceux-ci, L’Animali relate le parcours d’un criminel condamné à mort au XIXème siècle en Corse (« Etoile de la SCAM » en 2013). Son dernier film, Par un après-midi d'octobre, porte sur l’histoire des femmes tondues en Corse en 1943, lors de la Libération de l’île.
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.