C'est sur le brillant palmarès de la compétition "Premier Film" que s'est achevée la sixième édition du festival CORSICA.DOC 2012 le 18 novembre dernier au Palais des Congrès d'Ajaccio. Quatre documentaires y ont été distingués parmi les 18 films sélectionnés: Prix du jury Corsica.Doc/Via Stella: Une affaire de décor de Rémi Gendarme.Prix "jeune public": La misère bleue de Brigitte Lavégie. Mention spéciale du jury: Sous le fer d'Agathe Dirani Prix du public: Pleure ma fille, tu pisseras moins de Pauline Horovitz
(80', Fr.). "Il me reste 1 minute 30 pour parler de la solitude. J'ai des auxiliaires de vie pour m'aider à vivre seul. Je fais pas la vaisselle, je fais pas les courses, je change pas les ampoules, je fais l'essentiel.."
(62', Fr.). "Comment oublier le bruit strident de la perceuse dans l'acier du verrou de ma porte d'entrée? Expulsée de mon logement, je vais à la rencontre de mes semblables, précaires indésirables."
(6', Fr.). Mina, 13 ans, traverse la ville pour rejoindre son univers quotidien. Apprenti sur un chantier, il s'échappe parfois de l'armature en fer qu'il construit.
(52', Fr.). Tout le monde le sait depuis Simone de Beauvoir : on ne naît pas femme, on le devient. Une tragi-comédie baroque sur la construction des genres en forme d'inventaire à la Prévert.
Artiste, René Boutin est membre fondateur et directeur artistique du festival international du cinéma des peuples Ânûû-rû Âboro de Nouvelle Calédonie. Son implication dans les réflexions politiques, sociales et esthétiques du monde contemporain et dans la reconstruction post-coloniale de la Nouvelle-Calédonie, se manifeste à travers sa production plastique et son engagement culturel. Son œuvre inclue installations et dispositifs autonomes sous forme de vidéos, photographies, peintures, dessins, sculptures, et textes.
D'abord journaliste, il a intégré La Marche du siècle de Jean-Marie Cavada. la Rédaction nationale de France 2, et France 3. Il a réalisé des documentaires pour Arte (Coluche, la farce tranquille), France 3 (Un certain monsieur Alfred). En 2010, Gao Xingjian, prix Nobel de littérature, lui a écrit un court métrage, La Nuit après la pluie. En 2011, il réalise Passing By. En 2012, il réalise un documentaire, // est arrivé quelque chose.
Alice Diop raconte la diversité culturelle via le cinéma documentaire. Il s'agit pour elle de "combattre les idées reçues pour faire avancer la société." Alice Diop passe un DESS Image et société et intègre un atelier d'écriture à la Fémis (Ecole de l'image et du son à Paris). Réalisatrice pour L'Oeil et la Main (France 5), elle est auteure d'un documentaire qui a sillonné les festivals : La mort de Danton (2010).
Paul Filippi travaille à FranceS Corse et c'est surtout dans l'émission Ghjenti qu'il a dirigée durant dix ans, qu'il a accompli la majeure partie de son parcours dans la réalisation documentaire. Ses films abordent des sujets divers : le quotidien d'une unité d'oncologie lAlivu), la visite en Corse de l'acteur et réalisateur marocain Rachid El Ouali (Da quièda quand!), d'un pèlerinage de Corses à Lourdes (/ Pellegini), ou du parcours d'un criminel dans la Corse du XIXème siècle (L'Animali)...
Paule Héradès débute comme journaliste, rejoint Pierre Lescure à la direction des Programmes de Radio Monte Carlo en 81, puis le suit pour la création de Canal+ en 84. Huit ans plus tard, elle lance avec Michel Thoulouze les chaînes du câble puis satellite (Planète, Canal Jimmy, Cine-Cinemas, Cine-Classics...). Elle reste 22 ans dans le groupe. Elle rejoint ensuite la Corse, devient producteur indépendant, participe à la création de la filière audiovisuelle, initie le congres des Producteurs Indépendants (APIMED 2005) à Ajaccio et rejoint en 2010 la direction de France3CorseA/ia Stella.
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.