LES ATELIERS SCOLAIRES

Les ateliers scolaires seront organisés cette année autour du film de Jean Rouch, La chasse au lion à l’arc (81’, 1965).

Un conte documentaire sur le rapport de l’homme à la nature et aux animaux sauvages alors au Niger.

De 1957 à 1964, Jean Rouch a filmé une caste qui a seule le droit de chasser le lion,

celui qui ne tue plus seulement pour manger.

Une chasse où technique et magie sont intimement liées.  

 

Lundi 14 et mardi 15 octobre de 9h30 à 11h30 à l’Ellipse cinéma

Atelier animé par Olivier Hadouchi, historien du cinéma.

 

La chasse au lion à l'arc de Jean Rouch (1965)

 

Le film

A la frontière du Mali et du Niger, les hommes vivent en parfaite harmonie avec le cosmos. Les vaches paissent tranquillement, même en compagnie des lions. Cependant, il arrive que l'ordre cosmique soit rompu lorsqu'un lion décide de s'attaquer à une vache.

 

On décide alors rituellement de partir à la chasse au lion, qui se pratique tous les quatre ans et nécessite une préparation très poussée. Des flèches empoisonnées sont confectionnées, les arcs sont fabriqués tandis que l'on procède à des danses et des incantations pour préparer le poison, le boto. Des pièges sont mis en place et lorsque l'animal s'y engouffre, le chasseur n'a plus qu'à tirer sa flèche…

 

 

Autour du film

Maintenir l'harmonie du monde

Tourné sur sept ans, de 1958 à 1965, La chasse au lion à l'arcappartient à l'exploration du continent africain par Jean Rouch. Mais loin de tout exotisme condescendant ou de la froideur du point de vue scientifique, le cinéaste privilégie ce qu'il appelle l'"anthropologie partagée". Autrement dit, il fait participer ses "personnages" à l'action qui, du même coup, deviennent narrateurs au même titre que lui. Grâce à cette formidable interaction, Rouch trouve la bonne distance avec ses sujets filmés et place le spectateur en empathie avec des êtres humains qui pourraient nous sembler totalement étrangers.

 

Le réalisateur donne à son film la forme d'un conte panthéiste sans réduire les chasseurs et les bergers, protagonistes de l'histoire, à des abstractions. Il nous plonge dans le "pays plus loin que loin", quelque part entre le Mali et le Niger, où règne l'harmonie entre les hommes et la nature. C'est ainsi que les lions ne s'attaquent qu'aux vaches malades, préservant la santé du bétail et l'ordre du monde. Mais il arrive que les fauves tuent abusivement l'un des bovins : il faut alors l'exterminer pour rétablir l'harmonie un instant perturbée. Comme dans tous les grands mythes cosmogoniques, la mise à mort de l'animal obéit à des rites ancestraux, hérités des "hommes d'avant". Tout d'abord, les chasseurs, caste à part, fabriquent les flèches empoisonnées, opération qui n'a lieu que tous les quatre ans. Puis, ils pistent le lion et installent les pièges. Enfin, ils le tuent.

 

Pourtant, si la mise à mort reste cruelle, elle se démarque de la chasse au sens occidental du terme. Les Peuls filmés par Rouch ne prennent pas une vie à la légère : profondément respectueux de l'ordre du monde, ils demandent pardon à l'animal de l'avoir tué et libèrent son âme suivant un rituel bien précis. En mêlant à son commentaire la traduction des incantations et des prières, le cinéaste maintient constamment la proximité entre ces hommes aux mœurs lointaines des nôtres et le spectateur. Une manière formidable de faire du cinéma une passerelle vers l'altérité.

Grand film d'aventures, La chasse au lion à l'arc entretient également un suspense inattendu. Lorsque les bergers, qui ne sont pas habilités à tuer le fauve, décident d'accompagner les chasseurs, ils s'exposent aux pires dangers. Le drame ne manque pas de se produire : Jean Rouch choisit de ne pas filmer la violence de l'assaut car sa caméra n'est pas voyeuse. Mais il nous fait partager le calvaire de la famille de la victime. Une œuvre majeure qui dépasse largement le strict cadre du documentaire.

 

Olivier Hadouchi, animateur de l’atelier


Olivier Hadouchi est l’auteur d'une thèse autour du cinéma et des luttes de libération tricontinentales des années 1960 et 1970, soutenue à Paris 3 sous la direction de Nicole Brenez, et de deux ouvrages : Kinji Fukasaku, un cinéaste critique dans le chaos du XXe siècle et Images of Non-Aligned and Tricontinental Struggles.

Il a également écrit sur les cinémas du monde arabe, d'Afrique ou d'Amérique latine dans La Furia Umana, Mondes du cinéma, L'ordinaire latino-américain, Third Text ou CinémAction et dans des ouvrages collectifs. Il a présenté et animé de nombreuses séances dans des festivals ou des centres d'art en France et à l'étranger et il a conçu des programmations de films pour le BAL, Bétonsalon et le festival Bandits-mages.